lundi 13 juin 2011

Barre Infernale Pralinée Pralus

Le Maître Chocolatier François Pralus est l’un des trois artisans français à torréfier ses fèves et à fabriquer ses propres masses de cacao*. En 2009, inspiré par sa gourmandise diabolique, il crée la Barre Infernale qu’il décline sur un chocolat au lait,  un chocolat noir, et un praliné. 


Dénichée à la boutique parisienne Chocolatitudes, j’ai offert la Barre Infernale Pralinée à une Fine-Bouche, avec une certaine malice, afin d’en éprouver ses vices….  
* Obtenue par le broyage des fèves torréfiées, décortiquées et dégermées. Elle contient 45 à 60 % de beurre de cacao. C'est la matière première de tous les produits à base de cacao.


A l’Entrée de l’Hadès1
Pilastre2 érigé de la Porte de l’Enfer3, la Barre est massive. Couleur bronze aux reflets acajou,  160 grammes de matière soupèsent l’objet du désir. Une Peccadille.

Anatomie de l’Enfer
Une coupe chirurgicale à la lame exhibe sa morphologie. La couverture* embrase  ses chairs bondées. Les amandes entières gisent, fourrées au cœur du  praliné**, impeccables.
[Fine-Bouche détient les clichés des "dessous de la Bête", des photos dévoilant ses formes]

* Désigne le chocolat de couverture composé de pâte de cacao (dont 50 % de beurre de cacao), de sucre et de beurre de cacao. Enrichi en beurre de cacao et donc plus fluide, il se prête à l’enrobage et au moulage. 
** Le praliné (ou pralinoise) se compose d'un fourrage de sucre, d'amandes et/ou de noisettes (le pralin), d'un peu de vanille, de cacao ou de beurre de cacao, enrobé de chocolat au lait.

Le 3ème Cercle4
La croque est fondante. Le pralin pulvérise ses pépites, onctueux, conché* à la fourche. Les saveurs s'équilibrent sur un pic d'acidité qui rafraîchit la bouche. Les amandes grillées Valencia** croustillent. Elles exhalent la torréfaction à la chaleur vive du feu de Bengale. L’alliage feuilleté désavoue la corpulence annoncée.  Contre toute attente, c'est aérien et frivole.

Engouffrée dans la spirale infernale des Passions, j’ai le choix pour satisfaire ma chatterie5 de Damnée. Entamer le 4ème Cercle de l’avarice et me faire une Barre en solo ou condescendre à la luxure du 2ème Cercle avec la Fine-Bouche !     

* Le conchage est un processus de malaxage de la pâte de cacao à chaud, pendant 72 heures, qui permet d'obtenir un chocolat très onctueux et qui développe les arômes typiques de chocolat.
** Variété espagnole aux qualités gustatives reconnues : elle est plus douce que les variétés américaines de notre consommation courante. 


[1] Dans la mythologie grecque, désigne le royaume des morts sur lequel règne le Dieu Hadès. On parle du Royaume d’Hadès.
[2] Pilastre : archit. membre vertical formé par une saillie rectangulaire d'un mur généralement muni d'une base et d'un chapiteau à la manière d'une colonne.
[4] Dans la Divine Comédie de Dante Alighieri (entre 1307 et 1321), le 3ème cercle des Enfers est celui des Gourmands (Chants VI)
[5] Goût très vif pour les friandises

Photos : Photothèque Pralus

Sites ressources
Canal éducatif, La Porte de L'Enfer de Rodin
Recherche sur La Divine Comédie

dimanche 27 février 2011

Domaine Clos Massotte, Pyrénées Orientales, Trouillas



Le vin murmure. Il conte ses secrets, ses confidences, ses incantations, ses formules magiques et épice le tout de poudre de perlimpinpin. Alors, des couleurs pleins les yeux, les paupières se scellent sur une goutte de pluie. Elles écoutent le reflet du monde dans la pénombre des perles alizarines.


Les vins du Clos Massotte m’accompagnent depuis que j’aime goûter le vin. J’ai découvert chaque cuvée avec le sentiment qu'elle s'offrait sans jeu de cache-cache. Elle était là, entière, dans sa complexité diaphane. J'ai composé mes premières alliances vins et chocolats sur le thème de son Grand Roussillon Ambré. 


Canigou
Crédit photo Clos Massotte

Depuis 2001, Pierre-Nicolas Massotte cultive sa vigne de 16 hectares et vinifie son vin à Trouillas, au sud-ouest de Perpignan en  plaine du Roussillon. Tout près des premiers contreforts des Aspres, dans les Pyrénées Orientales, il travaille dans le respect de la vigne et du vin selon des méthodes ancestrales transmises de génération en génération depuis 1868. 

Mode de culture et vinification
A la vigne
En cours de conversion bio, Pierre-Nicolas est inspiré par les principes de la biodynamie. Il a mis en place des méthodes de traitement naturel et trouve dans la garrigue environnante les remèdes préventifs qui aident la vigne à lutter contre les parasites et les maladies. Il exploite toutes les vertus des plantes  par différentes méthodes d'extraction : l'infusion, la décoction, la macération en plein air. Les 20 litres de solution obtenus sont dilués par dose homéopathique d'environ 0,5% et pulvérisés par épandage manuel. Les résidus végétaux, sont valorisés et restitués à la terre. 


"Le travail attentif de la terre"
Crédit photo Clos Massotte 

Pierre-Nicolas est patient. Il tisse avec ses vignes une relation sereine, intime et intuitive. Cette attention est présence. Comme il le dit, le travail de la terre est "attentif", et attentionné. En goûtant ses vins et en l'écoutant, je sens  le désir de privilégier l'expression du fruit sur l'expression du sol. La terre, Gaïa,  est porteuse, elle s'offre et donne ce qu'elle a de meilleur sur son terroir argilo-calcaire.




Les vendanges manuelles
Crédit photo Clos Massotte 
Lui, il murit ses vins denses et pleins. Il attend la pleine maturité des baies avant de vendanger et de fouler aux pieds le raisin dans le pressoir vertical. Le style du Clos Massotte est là : ses vins sont d'une concentration puissante obtenue par une lente maturation du fruit et de très petits rendements d'environ 18 hl / ha en 2010. 

A la cave, les macérations semi-carboniques sont longues, la vendange 2010 y est encore. Il laissera le temps à une cuvée qui n'a pas fini ses sucres. A cet instant, deux belles cuvées 2009 viennent de reprendre leur fermentation. Au Clos Massotte, le temps a le temps.  

Lors de ma visite au chai, j'ai goûté ses bruts de cuve. Prédire quelles seront les qualités futures du vin n'est  pas évident, c'est pourtant là l'intérêt. Il est précieux de goûter ces vins en train de se faire et d'échanger avec le vigneron, là, je capte une partie de leur essence. Ce sont des vins vivants et surprenants, des indociles joyeux


Millésime 2010. Il s'exprime avec chaleur et maturité. La bouche équilibrée persiste sur une amertume légère accompagnée de notes de torréfaction : café et cacao, pour la Syrah comme pour le Grenache. C'est une expression typique d'évolution pour ce style de vin.  
Syrah 2010, ............………………………………………………………..................
Vigne jeune. Macération semi-carbonique en cours. Pigeage tous les 4 mois. Sucre résiduel 10 gr / l.    
Le bouquet est déjà riche. Je suis imprégnée des douceurs que j'ai goûté récemment et le cacao, la crème de praline rose me font du gringue. La bouche est puissante, solaire, c'est la signature Massotte. Des tanins serrés portent une pétarade de figue, de grenade, de cerise, de pralin et d'épices. Déjà superbe d'évolution et de concentration.  J'aime son style dense et ardent.  

Grenache noir 2010, ............………………………………………………………....
Vieux grenache noir, vigne de 80 ans. Macération semi-carbonique en cours. Pigeage tous les 4 mois.
Couleur pourpre profond à reflet violacé. La bouche est ronde, elle exprime la maturité du fruit sur la grenade, le café en finale accompagnée d'une amertume légère.

Millésime 2009. Intense et Nonchalant 
Grenache, Carignan, Syrah 2009………………………………………………………
Reprise de fermentation très récente début février 2011. Assemblés avant la fin de fermentation à l'instinct. Sucre résiduel
Ce vin nonchalant a repris sa fermentation récemment. Sa palette olfactive m'a surprise par sa vitalité. A peine perlante, sa fraicheur hespéridée s'exprime par le pamplemousse, la mandarine et l'orange sanguine. La chaleur du millésime se retrouve dans la cerise à l'alcool puissant. La bouche est suave et ronde, encore douce.

Gaïa 2005, Côtes du Roussillon rouge……………………………………..........
Terre Généreuse. 40 % Syrah, 30 % Grenache, 30 % Carignan. Goûté en Octobre 2009. 8 à 11 € tarif public.
Sa concentration solaire, pourpre, lui donne une matière chromatique profonde. Le bouquet puissamment fruité exhale la cerise à plein nez, belle et fraiche sur un lit de balsamique. La bouche se serre en son milieu pour tisser cette trame typique du Clos Massotte. La matière s’étoffe de notes boisées, poivrées, épicées rappelant le zan. La longueur exprime l’opulence du fruit mûr baigné d’alcool.

Corail d’automne 2006, Côtes du Roussillon rouge……………………………
Syrah 60 %, Grenache noir 40 %. Longue fermentation. Élevé en fut pendant 1 an. Goûté en Décembre 2009. 10 à 15 € tarif public.
La chaleur et les épices piquent les fruits rouges, la cerise et la mûre. Ce vin, je l’aime avec un crumble d'agneau au thé noir de Chine, des pignons de pins, des pruneaux, des abricots, le tout saupoudré de parmesan ! Cet accord m’inspire l’art de l’accueil à la méditerranéenne, couleur, contraste, caractère, orientalisme et lasciveté.    

Corail d’automne 2008, Côtes du Roussillon rouge……………………………
Tiré de la barrique pour la dégustation. 60 % Syrah, 40 % grenache noir. En barrique de 5 à 10 vins depuis début 2010, ouillage tous les 4 mois. 10 à 15 € tarif public.
Camel et Grenat. Le nez timidement animal, respire. Très curieusement, minéralité et  fumée saillent et se dissipent sous un  éperon de cuir. La bouche est soyeuse tout de suite, équilibrée, puis sans surprise, la trame se resserre et se précise en son boisé épris de matière. Suivent le moka, la vanille discrète qui persiste sur le cuir noble. La finale s’annonce et picote. Se dissémine un afflux sanguin, en pulsations frémissantes des lèvres à la nuque. Le bouquet de fleurs, d’épices, de camphre et de sève de bourgeon de pin fini de pleurer en bouche. Le vin est prêt. J'ai envie de gémir. Émue, je bavarde.   





Perle et Pépin 2008, Côtes du Roussillon rouge…………………………………
Vin naturel issu des levures indigènes. Issus d’une Communion de Grenache, de Syrah, de Carignan et de beaucoup d’Amour.
8 à 11 € tarif public.


Eating Fruits from Sunah Choi on Vimeo. 


J’ai goûté  Perle et Pépin en avant-première à la Maison Rédionale de Vins  de Montpellier avec Pierre-Nicolas et mon amie de toujours. Son charme est son étiquette et son poème fait-main, à peine lisible sur le dégradé bleu perle. Perle et Pépin est un vin de Joie. Quand cela m’arrive, j’en garde l’empreinte dans le corps. J’ai croqué ce vin avec l’allégresse de l’enfance.

Sa bouche est souple et douceureuse, c'est un vin à téter. La framboise mûre et les baies de cassis crèvent, juteuses et suaves. Pourtant, sa trame tannique n'est pas alanguie, elle est même espiègle au cœur. Entre candeur et malice, il faut apprécier  ce vin pour ses nuances. Je sirote au clair de lune. A la lumière ardente il est riche et puissant, je sens la sève de pin. Je flaire un fumé discret et minéral, improbable expression du sol, que je devinais chez son alter ego élevé en barrique Corail d’automne 2008

Depuis son alcôve, le vin chuchote son babil originel. Un chant lointain s'élève en corolle et s'écrie à maturité : "Perle, c'est un Pépin !" Comme un sort semé au destin.    

vendredi 25 février 2011

Vendredis du Vin #33 / Voltige et Variation : les alliances rythmiques et sportives

Le chocolat rend généreux. Nous publions nos accords  sur les Vendredis du Vin #33 alors que nous sommes aux prises d'un potlatch infernal, enserrés dans l’engrenage hédoniste du don / contre don ! Alors allier le chocolat avec le vin est une manière de surenchérir ! Alliances contraste, harmonie, fusion du vin et du chocolat. Oui, ces deux là me travaillent au corps, l’un après l’autre, l’un contre l’autre, l’un avec l’autre.

Lorsque j’ai voulu vivre le monde sensible avec présence et sensualité, ils m’ont montré la substantielle matière du vivant. Je me suis laissée impressionnée, avec mes sens, par leurs qualités sensorielles, leur valence hédonique étourdie, j’ai le vertige quand c’est (très) bon.

J’aime réaliser des alliances vin et chocolat parce que… Je pourrais conclure ainsi, sans argument rationnel, parce que c’est bon (quand c’est bon). Mais mon esprit parfaitement analytique m’invite à développer, à creuser l’étiologie sensorielle des plaisirs vin et chocolat ! Lorsque je goûte du vin et du chocolat, je suis attentive à l’infime détail de la sensation. Je me concentre en ce siège sensoriel avec toute ma densité. Ensuite, l’alchimie avérée enchérit mon être, qui vacille. Réaliser des alliances, c’est être entremetteur acrobate. On imagine, on suppose, on tente, on expérimente, on jongle ; et sursaute.

Saut de Chat............…………………………………………………………………………
C’est un accord Chocolat noir et Vin blanc. Hum, je crains toujours que la température du vin entre 10 et 12 ° ralentisse le processus de fonte du chocolat, qui figé, grumèle. Je tente. Je choisi un Coteaux de l’Aubance, Sélection 2009 du Domaine Richou, un chenin en sélection de grains nobles issu des pentes humides du Val de Loire. Jaune paille, brillant et épais son bouquet est aussi riche que complexe : fleur d’accacia et seringat, citron confit, orange amère, miellat. Sa bouche s’équilibre de gras et d’une fine astringence. En bouche, le fruit opulent d'agrumes et  de pèches jaunes répond à la Cristalline, petite gourmandise d’amandes caramélisées et d’écorces d’oranges confites enrobées d’un noir extra bitter. C’est une alliance harmonie et élégance.

Attitude....... ..........………………………………………………………………….
Un défi m’a été lancé récemment : réaliser un accord de chocolat avec un élément de la cuisine japonaise ! Le contraste me laisse… rêveuse ! Je me souviens de cet accord classique sur le thème du thé vert Matcha* battu au fouet et son fondant de chocolat noir  70 % amande fait maison. Cela a été une expérience de simplicité, de contraste et d’équilibre. Une belle introduction aux principes fondamentaux de la cérémonie japonaise du thé : Harmonie, Respect, Pureté, Sérénité dans l’action.     
*couleur vert jade, sa palette aromatique  est végétale, puissante et monolithique, avec beaucoup d'amertume. Accompagné du fondant l’ensemble trouve son équilibre, la chaleur du thé fluidifie le crémeux du fondant et ses tanins nettoient les muqueuses du film gras très fin déposé par la gourmandise.

Saut à la Perche................................................................................
Pour les Vendredis du Vin #33, dont j’assure la présidence, il fallait coller au sujet,  sans s'engluer, avec un brin de fantaisie… J’ai eu envie de tenter un accord impromptu. Saké et Chocolat ! Je file à la Chocolaterie  Théobroma*, avec mon flacon de saké et Thierry, l'artisan chocolatier, me fait découvrir ses créations. Ça s’annonce riche : nous avons trois couvertures de chocolat et cinq ganaches.
* Artisan chocolatier, Thierry Papereux travaille avec finesse et équilibre les grandes origines de cacao.

Saké
Il a la couleur de l’eau, à bien observer on distingue à peine un reflet jaune paille. La matière a une viscosité délicate, cela parait plutôt aqueux. Le nez de ce vin de riz dégusté à température ambiante présente de l’acidité volatile, éthérée qui se dissipe à l’aération. Il y a de l’amande amère, un brin de vanille, de la coco, des notes de céréales et domine enfin la pomme, celle d’un vieux Champagne. L’ensemble est fruité et assez agréable. La bouche s’annonce puissante mais elle est plutôt fraiche, grasse, équilibrée. Le profil aromatique est simple mais riche : fidèle au nez, suivent le marc, la mirabelle, la prune, les fruits à l’alcool, l’eau de vie ! Ce saké est surprenant, il titre à 16 %, on peut le déguster comme un vin. Il se montre plus agréable encore au fil de son aération.

Chocolat
Nous commençons par les chocolats de couverture. Le Taïnori 64 %  de République Dominicaine, aux notes de fruits jaunes, accentue l’acidité du chocolat et crée un déséquilibre gustatif. Le Macaé 62 %, assemblage de Forastero du Brésil dont le fondant est rapide avec des notes de torréfaction prononcées, valorise le fruité du saké et disparaît par la même occasion. Tout s’enchaine très vite, on tente une Ganache du chocolatier : le Saint-Roch, enrobage de chocolat Caraïbe avec une typicité de fruits secs, garni de pulpe d’orange sanguine et de gingembre frais ! A cet instant l’équilibre se fait, le gingembre est boosté par le saké, l’ensemble monte en puissance aromatique, le chocolat fond agréablement. La longueur persiste, insiste, sur les épices et les fruits à l’alcool. L’accord est ardent. Satisfaits, nous décidons d’aller plus loin...

Soubresaut...……………………………………………………………………
C’est un Palais lisse saupoudré d’Or. C’est délicat. Je ne lutte pas contre ma nature sauvage, je m’assagie et ne croque pas. Nous coupons délicatement le palais en deux qui laisse apparaître des strates élémentaires et géologiques clairement différenciées. C’est une assise moelleuse de Pain d’épices. C’est un lit de Foie Gras absolument lisse. C’est un enrobage d’Araguani, assemblage de Criollo fins d’Amérique du sud, salé, épicé à la cardamome et à la cannelle, qui scelle l’ensemble.

Au premier contact, ma lèvre supérieure épouse la surface lisse et croquante de l’enrobage, ma lèvre inférieure rebondie sur le moelleux du pain d’épice. Le foie gras fond le premier, velouté et fluide. Il humidifie ma bouche, le pain d’épice devient moite et se désagrège. En fondant, le chocolat lie l’ensemble.

Je goûte une gorgée de saké alors même que j’ai la bouche pleine, mais c’était en fait bien peu, car ce qui se produit ensuite n’a pas de sensation égale.
Sur ma chaise, face à la fenêtre, j’observe l’ensemble. Seule. La lumière arrose l’alliance. Je goute encore. C’est là. Je voudrais vous en dire plus et mon flot de détails, de mots, de syntagmes, néo-sémantèmes et entourloupes pourrait ne jamais se tarir. A dire autant, je pourrais passer à côté… de l’émotion.
Le Palais Or Foie Gras sur Pain d’épice prend tout son relief. Le solvant puissant qu’est l’alcool précipite la fonte fluide et soyeuse. Les épices se montrent une à une. Le rugissement primitif et animal du foie gras tient tête au cacao puissant, le saké répond, arbitre et rythme la déliquescence. C’est tout le sud ouest qui s’insurge.

Galipette.................................................................................
Je bondi de ma chaise, le plexus sens dessus-dessous. J’ai rendez-vous à Lyon pour une soirée chocolat. Mon prochain accord pourrait bien être un vin blanc liquoreux de la Loire, accompagné d'un Palais Or….

dimanche 16 janvier 2011

Domaine Pique-Basse, Vallée du Rhône méridionale, Roaix

"L'imprévu n'est pas l'impossible, c'est une carte qui est toujours dans le jeu." Un proverbe chinois dit que celui qui boit perd au jeu. Tout dépend de la donne. J’ai la main. Je pose mon premier article sur barrique : Domaine de Pique-Basse. J’annonce la couleur : j’aime ce vin, voici ma mise :   




De dr. à g. Mont Ventoux, Massif du Ventabren, Montagne de Mars
Le Domaine Pique-Basse d’Olivier Tropet est situé en Côtes du Rhône méridionales, dans la Vallée de l’Ouvèze, au pied du Massif du Ventabren, avoisinant les terroirs de Rasteau et de Cairanne. Sur les 30 hectares appartenant à la famille Tropet, seuls 8 ha sont vinifiés au domaine. Depuis 2007, date de la première vinification, une partie du Domaine est en reconversion agriculture biologique. Olivier s’inspire également des méthodes de la biodynamie pour permettre à son vignoble une régénération naturelle des sols. Il accompagne ses vignes avec le souhait de les mener vers plus de vitalité et plus d’autonomie.

Le domaine est exposé Est / Sud-Est ce qui assure un fort potentiel de fraicheur si on le compare au terroir solaire de Rasteau orienté sud-Ouest. Le sol se compose en grande partie d’argile et de limon, safre et sable. L'altitude s'élève jusqu’à 350 mètres sur le massif du Ventabren.   

L’encépagement
Grenache noir, Syrah, Mourvèdre, Aubin, Merlot, Cinsault, Grenache blanc

Mode de culture et vinification
A la vigne les grenaches sont en cordon sur fils releveurs. Dernier traitement au cuivre et au soufre fin juillet afin de préserver les populations levuriennes et de faciliter le départ en fermentation. Olivier tente de diminuer l'application de traitement, évite celui de la mi-Août dans la mesure du possible.

A la cave, naturellement, comme il n’y a pas de levures ajoutées, le départ en fermentation tardif (10 jours environ) présente un risque de développement de bactéries responsables de l’acide acétique. En anticipation, une semaine avant les vendanges, Olivier prépare des pieds de cuve pour permettre une fermentation sous deux jours. L’état sanitaire des vignes en  2010 a permis de ne pas utiliser de cuivre à la vigne, pas de soufre sur le pied de cuve et l’ensemble de la vendange.  
Les macérations des rouges sont longues (4 à 5 semaines) avec des grains entiers pour obtenir une saturation en CO2, une mise en atmosphère inerte et préserver la pureté aromatique. Olivier préfère travailler sous  atmosphère réductrice afin d’éviter l’oxydation des mouts, ce qui apparait dans ses cuvées. 
Les fermentations se font en cuve inox pour les blancs et les rosés en vin de pays, les cuves béton sont utilisées pour les Côtes du Rhône Village, les demis muids renversés sont utilisés pour les Syrah. 

Le Jeu.................................................................................................

L’Atout du Pique 2010, Côtes du Rhône blanc
1ere cuvée, presque anonyme
100 % grenache blanc Premier millésime, anonyme, non tarifé, très apprécié ! Terroir sablo-limoneux exposé à l’est, potentiel de bonne fraîcheur. 50 % ½ muid, 50 % cuve inox. Pas de fermentation malo-lactique. Non filtré. Une rareté dans le panorama des villages Roaix à dominante de rouge. 
Ce vin c’est de la joie ! Le nez a du fruit prêt-à-croquer, de l’abricot mûr et sec, de la pêche blanche, un fond brioché qui soutient l’ensemble. Une pointe amylique apparaît furtivement pour disparaître aussitôt et renoncer à la caricature. La bouche est vive et lumineuse, elle scintille légèrement (à peine mise en bouteille).  Le pH indique 3,2 environ. Cette trame acide est adoucie par un joli gras caractéristique du grenache blanc à maturité. C’est suave. La palette aromatique se complète de la flaveur pamplemousse, son arôme, sa vivacité et son amertume qui assied l’ensemble et donne du relief. Une pointe de fenouil accompagne la finale chaude et prolonge le plaisir. C’était bon, ça m’a plut ! J'espère que le vin se clarifiera naturellement et qu'il perdra sa légère opacité sans filtrage, afin de préserver sa matière. On pourrait alors le nommer "Le Coup d’éclat" !

Le Chasse-cœur, Vin de Pays du Vaucluse
Le Chasse-cœur 2009, Vin de Pays du Vaucluse
Aubun, Grenache, merlot, 7 € tarif public
Le nez exprime du fruit, du végétal, une pointe de réduit. L’attaque est souple avec un milieu de bouche charpenté et végétal sur le poivron, du fruit rouge, une finale chaude, épicée, réglissée. Ce vin pourrait gagner en harmonie sur l’assemblage. C’est assurément un vin pour la table qui accompagnera très bien une viande grillé.

Aubun, 100 %, Brut de cuve 2010
Cépage originaire du Vaucluse, destiné à la cuvée Le Chasse-cœur
Nez fruité, de cassis et bourgeon de cassis, avec une pointe de réduction et une légère note métallique. La bouche est ronde et souple en attaque, elle laisse une finale assez tannique. Les arômes se prolongent sur l’olive noire en tapenade. Cépage très intéressant à goûter.

L’As du Pique 2009
80 % grenache, 10 % syrah, 10 % mourvèdre en cuve béton, 10 € tarif public
Le nez légèrement réduit s’ouvre sur des notes de cacao, de genévrier, de poivre et d’épices. L’attaque est souple et se structure en milieu de bouche pour finir sur des tanins présents. Les arômes soulignent la maturité du fruit et déploient des notes réglisse, un fumé solaire, de l’eau de vie de marc et une fraicheur eucalyptique. La finale tendue, piquante, rappelle le zan. Très jolie cuvée.    

Grenache, 100 %, Brut de cuve 2010
Grenache déshydraté en sur-maturité, non éraflé, non commercialisé
Le nez est animal, avec du croquant de cassis et des notes florales. Très agréable en bouche avec de la rondeur et de l’opulence, du fruit, du cassis, de la violette, une pointe de rose, du poivre. Le sucre résiduel apporte de la douceur. J'en  m'en délecte avec un carreau de chocolat noir de Madagascar, frais aux notes de fruits rouges.

Grenache 100 %,  jus de presse
Élevage sur fut de 3 vins, destiné au Rasteau
Le nez présente du fruit sur-mûri, des cerises à l’alcool, de l’amaretto et du café. Une attaque souple et acidulée, il est croquant et juteux. Marqué par la torréfaction et l’oxydationC'est un délice, une gourmandise à lui seul.

Grenache 100 %,  jus de goutte
Élevage sur fut de 2 vins, destiné au Rasteau
Perlant, plus de fruit frais et plus d’amertume finale.

 Au Cœur du Ventabren 2009, Côtes du Rhône Village Roaix
Terroir argileux en altitude sur le massif de Ventabren, 100 % Syrah de 30 ans, rendement de 30 hl/ha. 15 € tarif public
Piquée au cœur, ce vin m’a séduite par la richesse de sa palette aromatique, sa précision, son allure corsetée, son opulence à peine dissimulée et sa délicatesse. La robe est rubis à reflets violacés intenses. Le nez  est souligné par un bâton de vanille de Madagascar opulente et animale. Ça sent l’orchidée. Le bois fait corps avec l’ensemble. La bouche puissante a de la fraicheur avec ce qu’il faut de poivre, d’épices et de minéralité sans galvaudage. La trame tannique est très bien structurée, fondue et tendue en finale. Les effluves se prolongent. Le troisième nez révèle de l’olive noire, une pointe d’ylang-ylang et de vanille. Superbe.

Le Pli.......................................................................................................
Olivier a joué toutes ses cartes à découvert et a remporté le pli !  Son accueil a été  chaleureux et il a été généreux dans l’explication de ces choix, de sa manière de travailler. Les bruts de cuve 2010 présentent un bon l'équilibre. La signature est  affirmée : fraicheur, trame tannique bien structurée, d'abord souple et fondue, expression finale avec panache donnant longueur et puissance. L’Atout du Pique  me semble très prometteur, j'attends avec impatience la mise en bouteille pour voir son évolution. L'As du Pique est un joli cœur de gamme à boire lors de repas de style méridional ou provençal, en famille ... j'ai eu envie d'une ratatouille bien confite et d'agneau mijoté !  Quant à la Dame de cœur par élégance, Au Cœur de Ventabren, elle demeure la carte à étendre au jeu subtil de l'Amour et du Hasard.  

mardi 4 janvier 2011

Vanité des Vanités, tout est Vanité !

Depuis quelques jours, je suis obnubilée par les Vanités et leurs représentations contemporaines. Parmi la foultitude de crânes et autres têtes de mort, celles qui m’entêtent sont composées de fruits et légumes opulents, colorés, invitant à les croquer tout cru ! Outre qu’en ce début d’année une de mes Hautes Résolutions est de diminuer la part de féculents dans mon alimentation au profit de légumes verts, il y a là une marotte dont je compte m'émanciper dès à présent !
  
Analyse conceptuelle…
Les Vanités* célèbrent la futilité et l’éphémère de la vie. Le temps qui passe, qui fane, fait se décomposer, moisir, faisander, périr et disparaître les corps; ce temps s’inscrit dans un devenir à l’issue fatale et sans surprise. 
* Une vanité est un type de nature morte dont la composition allégorique suggère que l'existence terrestre est  éphémère, vaine, la vie humaine précaire et de peu d'importance. 

Si la tradition veut que les Vanités soient une manifestation sensible de la mort, elles demeurent surtout une expérience du vivant, une expérience sensible et sensorielle riche. Elles témoignent ainsi d’un rapport ambivalent au monde et à la vie …. 

...Croquer ou ne pas croquer, telle est la question !

J’ai été assaillie par cette interrogation existentielle récemment… Le 31 décembre 2010, j’ai crée ce blog, j’ai écrit mes premières lignes timides en enfilade silencieuse. Bien sûr, j’ai manqué d’audace. J’ai disparue sous une glose lisse et universitaire.  Mes amis me l’ont fait payer ! 
Comme "l'amitié est une source inépuisable de mécontentement et de rage dont il serait déraisonnable de vouloir se passer"**, après mûre apostille, je craque
** Cioran 
 

 je croque !  A pleines dents, chacun des mots alignés ici !


Chaque mot exprimant un goût possède une saveur singulière qui se chique, se mâchouille, se mâche, se balbutie et s’articule.
Passionnés du goût, amateurs de vin, de thé, de chocolat, de cigare, de whisky, parleur et auteur du goût, vous êtes tout comme moi pris dans une oralité qui s’élabore et dont l’élocution se veut sans bavure, quoi qu’un crachat passe encore plutôt bien. C’est une quête de l’oralité absolue qui nous anime. J’affirme sans sourciller (NDLR).

Quête soutenue par La Vanité de chacun, puisqu’il faut prendre la parole, dire Je, se faire Auteur et… se dégager du discours de l’Autre.

Un blog est un espace où la singularité a ses droits. Moi j’ai le vent en poupe et le blog en vogue depuis que je m’accorde cette liberté. J'ai même envie d'écrire par générosité envers l'autre*** et non plus par crainte de son jugement !
*** Cet autre qui pourrait bien être mon meilleur ami

Le jugement de goût lors de la dégustation a besoin de ce parti pris pour soi. Il exprime lui aussi une singularité qui est perpétuellement mise à l’épreuve du Bon Goût. Aussi, faut-il veiller pour déjouer l’écueil inhérent à cette expérience du vivant qu’est la dégustation. 

Déguster est une posture existentielle qui me transforme. Je sens à cet instant que c’est le rouge profond au crépuscule du monde que mon goût désire.

dimanche 2 janvier 2011

Flaveur

Terme de physiologie désignant "l'ensemble complexe des sensations olfactives, gustatives et trigéminales perçues lors de la dégustation...". 
Contrairement à ce qui est écrit dans les dictionnaires actuels, Larousse, Robert, etc...flaveur existe bien en français et ne vient pas de l'anglais. 
Source : Évaluation sensorielle, Manuel méthodologique 3ème édition. Lavoisier Edition TEC&DOC, 2009, p 506 


Hédonique

"se rapporte au caractère plaisant ou déplaisant"

Esthétique

Terme philosophique emprunté au latin aesthetica employé par le philosophe allemand A. G. Baumgarten (1717-62) dans son ouvrage Aesthetica acroamatica (1750-58); terme formé sur le gr. αἰσθητικός, « qui a la faculté de sentir; sensible, perceptible ». 
 cf. αἰσθάνομαι « percevoir par les sens, par l'intelligence ».

Organoleptique

"qualifie une propriété d'un produit perceptible par les organes des sens : le goût, l'odorat, la vue, le toucher, l'ouie" 
exemple : la saveur sucrée est une propriété organoleptique perceptible par le sens du goût.