Le chocolat rend généreux. Nous publions nos accords sur les Vendredis du Vin #33 alors que nous sommes aux prises d'un potlatch infernal, enserrés dans l’engrenage hédoniste du don / contre don ! Alors allier le chocolat avec le vin est une manière de surenchérir ! Alliances contraste, harmonie, fusion du vin et du chocolat. Oui, ces deux là me travaillent au corps, l’un après l’autre, l’un contre l’autre, l’un avec l’autre.
Lorsque j’ai voulu vivre le monde sensible avec présence et sensualité, ils m’ont montré la substantielle matière du vivant. Je me suis laissée impressionnée, avec mes sens, par leurs qualités sensorielles, leur valence hédonique étourdie, j’ai le vertige quand c’est (très) bon.
J’aime réaliser des alliances vin et chocolat parce que… Je pourrais conclure ainsi, sans argument rationnel, parce que c’est bon (quand c’est bon). Mais mon esprit parfaitement analytique m’invite à développer, à creuser l’étiologie sensorielle des plaisirs vin et chocolat ! Lorsque je goûte du vin et du chocolat, je suis attentive à l’infime détail de la sensation. Je me concentre en ce siège sensoriel avec toute ma densité. Ensuite, l’alchimie avérée enchérit mon être, qui vacille. Réaliser des alliances, c’est être entremetteur acrobate. On imagine, on suppose, on tente, on expérimente, on jongle ; et sursaute.
Saut de Chat............…………………………………………………………………………
C’est un accord Chocolat noir et Vin blanc. Hum, je crains toujours que la température du vin entre 10 et 12 ° ralentisse le processus de fonte du chocolat, qui figé, grumèle. Je tente. Je choisi un Coteaux de l’Aubance, Sélection 2009 du Domaine Richou, un chenin en sélection de grains nobles issu des pentes humides du Val de Loire. Jaune paille, brillant et épais son bouquet est aussi riche que complexe : fleur d’accacia et seringat, citron confit, orange amère, miellat. Sa bouche s’équilibre de gras et d’une fine astringence. En bouche, le fruit opulent d'agrumes et de pèches jaunes répond à la Cristalline, petite gourmandise d’amandes caramélisées et d’écorces d’oranges confites enrobées d’un noir extra bitter. C’est une alliance harmonie et élégance.
Attitude....... ..........………………………………………………………………….
Un défi m’a été lancé récemment : réaliser un accord de chocolat avec un élément de la cuisine japonaise ! Le contraste me laisse… rêveuse ! Je me souviens de cet accord classique sur le thème du thé vert Matcha* battu au fouet et son fondant de chocolat noir 70 % amande fait maison. Cela a été une expérience de simplicité, de contraste et d’équilibre. Une belle introduction aux principes fondamentaux de la cérémonie japonaise du thé : Harmonie, Respect, Pureté, Sérénité dans l’action.
*couleur vert jade, sa palette aromatique est végétale, puissante et monolithique, avec beaucoup d'amertume. Accompagné du fondant l’ensemble trouve son équilibre, la chaleur du thé fluidifie le crémeux du fondant et ses tanins nettoient les muqueuses du film gras très fin déposé par la gourmandise.
Saut à la Perche................................................................................
Pour les Vendredis du Vin #33, dont j’assure la présidence, il fallait coller au sujet, sans s'engluer, avec un brin de fantaisie… J’ai eu envie de tenter un accord impromptu. Saké et Chocolat ! Je file à la Chocolaterie Théobroma*, avec mon flacon de saké et Thierry, l'artisan chocolatier, me fait découvrir ses créations. Ça s’annonce riche : nous avons trois couvertures de chocolat et cinq ganaches.
* Artisan chocolatier, Thierry Papereux travaille avec finesse et équilibre les grandes origines de cacao.
* Artisan chocolatier, Thierry Papereux travaille avec finesse et équilibre les grandes origines de cacao.
Saké
Il a la couleur de l’eau, à bien observer on distingue à peine un reflet jaune paille. La matière a une viscosité délicate, cela parait plutôt aqueux. Le nez de ce vin de riz dégusté à température ambiante présente de l’acidité volatile, éthérée qui se dissipe à l’aération. Il y a de l’amande amère, un brin de vanille, de la coco, des notes de céréales et domine enfin la pomme, celle d’un vieux Champagne. L’ensemble est fruité et assez agréable. La bouche s’annonce puissante mais elle est plutôt fraiche, grasse, équilibrée. Le profil aromatique est simple mais riche : fidèle au nez, suivent le marc, la mirabelle, la prune, les fruits à l’alcool, l’eau de vie ! Ce saké est surprenant, il titre à 16 %, on peut le déguster comme un vin. Il se montre plus agréable encore au fil de son aération.
Chocolat
Nous commençons par les chocolats de couverture. Le Taïnori 64 % de République Dominicaine, aux notes de fruits jaunes, accentue l’acidité du chocolat et crée un déséquilibre gustatif. Le Macaé 62 %, assemblage de Forastero du Brésil dont le fondant est rapide avec des notes de torréfaction prononcées, valorise le fruité du saké et disparaît par la même occasion. Tout s’enchaine très vite, on tente une Ganache du chocolatier : le Saint-Roch, enrobage de chocolat Caraïbe avec une typicité de fruits secs, garni de pulpe d’orange sanguine et de gingembre frais ! A cet instant l’équilibre se fait, le gingembre est boosté par le saké, l’ensemble monte en puissance aromatique, le chocolat fond agréablement. La longueur persiste, insiste, sur les épices et les fruits à l’alcool. L’accord est ardent. Satisfaits, nous décidons d’aller plus loin...
Soubresaut...……………………………………………………………………
C’est un Palais lisse saupoudré d’Or. C’est délicat. Je ne lutte pas contre ma nature sauvage, je m’assagie et ne croque pas. Nous coupons délicatement le palais en deux qui laisse apparaître des strates élémentaires et géologiques clairement différenciées. C’est une assise moelleuse de Pain d’épices. C’est un lit de Foie Gras absolument lisse. C’est un enrobage d’Araguani, assemblage de Criollo fins d’Amérique du sud, salé, épicé à la cardamome et à la cannelle, qui scelle l’ensemble.
Au premier contact, ma lèvre supérieure épouse la surface lisse et croquante de l’enrobage, ma lèvre inférieure rebondie sur le moelleux du pain d’épice. Le foie gras fond le premier, velouté et fluide. Il humidifie ma bouche, le pain d’épice devient moite et se désagrège. En fondant, le chocolat lie l’ensemble.
Je goûte une gorgée de saké alors même que j’ai la bouche pleine, mais c’était en fait bien peu, car ce qui se produit ensuite n’a pas de sensation égale.
Sur ma chaise, face à la fenêtre, j’observe l’ensemble. Seule. La lumière arrose l’alliance. Je goute encore. C’est là. Je voudrais vous en dire plus et mon flot de détails, de mots, de syntagmes, néo-sémantèmes et entourloupes pourrait ne jamais se tarir. A dire autant, je pourrais passer à côté… de l’émotion.
Le Palais Or Foie Gras sur Pain d’épice prend tout son relief. Le solvant puissant qu’est l’alcool précipite la fonte fluide et soyeuse. Les épices se montrent une à une. Le rugissement primitif et animal du foie gras tient tête au cacao puissant, le saké répond, arbitre et rythme la déliquescence. C’est tout le sud ouest qui s’insurge.
Galipette.................................................................................
Quel bel article, on se retrouve vraiment face à une addict, que dis - je ? une Experte du Chocolat!
RépondreSupprimerFranchement j'ai adoré ! Le dernier accord m'a fait saliver...
Quelle belle entrée Fracassante dans les Vendredis du vin ;)
- Lost in Wine
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RépondreSupprimerJe me délecte de tes craquantes et croustillantes chroniques... Je les déguste à rebours mais les savoure tout autant...
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